Groupe «Genève: 500 mètres de ville en plus»

Conférences-débats de la Fondation Braillard Architectes
«Visions pour Genève Braillard(s) et visionnaires(s)»
du 12 septembre au 20 octobre 2007

Thématique
«Genève: compacte ou diluée?» 10.10.2007


Description de l'intervention du Groupe


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Depuis que la ville n'est plus entourée de fortifications, il est impossible de la délimiter clairement selon les seuls critères morphologiques, ou du moins de le faire au moyen de critères morphologiques simples. C'est encore plus patent aujourd'hui où la ville s'étend fort loin du centre historique en des formes très diverses. L'hétérogénéité des activités, des classes, des rapports sociaux a toujours été une caractéristique de la ville. On peut même dire qu'une ville homogène de ces points de vue n'est pas une ville. Ce qui provoque aujourd'hui l'éclatement des discours sur la ville, c'est qu'à cette hétérogénéité du contenu social s'est ajoutée une hétérogénéité du contenant, c'est-à-dire de la morphologie. Après des siècles, voir des millénaires d'homogénéité du bâti urbain, on en vient ainsi à ne plus reconnaître la ville et à prétendre qu'elle n'existe plus. En réalité, c'est uniquement la ville classique qui n'existe plus ou du moins qui ne subsiste qu'à l'état de reliquat dans la ville contemporaine. Enfin, la conjonction entre hétérogénéité sociale et hétérogénéité morphologique a comme conséquence majeure une superposition des fonctions dans la ville. C'est un phénomène qui est apparu plus récemment et qui est extrêmement déstabilisant pour l'aménagement du territoire et l'urbanisme. C'est en particulier tout le discours d'inspiration fonctionnaliste qui s'est trouvé remis en cause, sans parler ici de l'historicisme. Face au chaos conceptuel causé par ces changements, le discours postmoderniste se présente comme une voie nouvelle avec comme principe de base la négation de tout ordre conceptuel. En ceci il rejoint le discours dominant visant à la dérégulation sociale.

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La forme d'une ville change plus vite, hélas, que le cœur d'un mortel.
Charles Baudelaire in «Le Cygne»

«Le boulevard Haussmann est arrivé aujourd'hui rue Laffitte», disait l'autre jour l'Intransigeant. Encore quelques pas de ce grand rongeur, et, mangé le pâté de maisons qui le sépare de la rue Le Peletier, il viendra éventrer le buisson qui traverse de sa double galerie le passage de l'Opéra, pour aboutir obliquement sur le boulevard des Italiens. C'est à peu près au niveau du Café Louis XVI qu'il s'abouchera à cette voie par une espèce singulière de baiser de laquelle on ne peut prévoir les suites ni le retentissement dans le vaste corps de Paris.
Louis Aragon in «Le paysan de Paris»

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La forme lorsque l'on quitte la ville.
La ville avec sa fumée et ses bruits de métiers, nous suivait très loin dans les chemins.
Arthur Rimbaud in «Ouvriers»

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La forme lorsque l'on arrive en ville.
Je n'avais pas fait vingt pas à la suite de l'homme qui portait ma valise, que j'ai reconnu une grande ville.
Stendhal in «Mémoire d'un Touriste»

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La forme et le contenu (les activités). La conjugaison du rapport territorial et du rapport salarial, du compromis territorial et du compromis salarial.

Le système helvétique a tracé une frontière entre environnement physique et environnement social qui sont indissociables.

Claude Raffestin in «Le miroir des contradictions» in «Synergie» Edition spéciale des hautes écoles de Suisse romande octobre '94.

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La critique de l'adjonction de qualificatifs, préfixes ou adjectifs, une voie sans issue.

  • L'urbain: le suburbain, le périurbain etc.
  • La ville: l'hyperville (Corboz), la ville diffuse (Secchi) etc.
    Les ensembles, grands-ensembles et cités satellites de l'après deuxième guerre mondiale sont les quartiers des villes des années '60.
  • Boulevard sans mouvement ni commerce,
    Muet, tout drame et toute comédie.
    Réunion des scènes infinie
    Je te connais et l'admire en silence

    Arthur Rimbaud in «Bruxelles» - «Boulevard du Regent» Les Illuminations.

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Le modèle zurichois: la région urbaine et le Sonderfall Genf.
Zurich une ville américaine, Genève une ville internationale.

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L'«autre» Genève, l'«ancienne» Genève et la zone dite agricole. Le dessin de Pierre de Meuron, Genf: Entwicklung über die Grenze. in «La Suisse. Protrait urbain»

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Un projet
Le linéaire versus le ponctuel
Des parcs urbains versus la zone (agricole)

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Les citations de Baudelaire, Aragon, Stendahl et Rimbaud ont été choisie par Julien Gracq dans son ouvrage «La forme d'une ville».

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La campagne de ma petite enfance m'a rendu fortement sensible à la différence de tension qui la sépare de la ville. La campagne n'est pas seulement (ou du moins n'était pas, il y a encore quelques décennies) pour la vie qui s'y écoule, un milieu sédatif, marqué par la rareté en même temps que par le caractère placide, sans urgence, la relative insignifiance des signaux visuels et sonores qu'il dispense, c'est, fondamentalement, un champ neutre, qui tend de lui-même à imprimer à la vie une forme végétative, tout comme à imposer aux rapports sociaux la dominante de l'habitude. Ce qui fait de la ville un milieu sous tension, ce n'est pas tellement la concentration de l'habitat, l'état de friction latente et continuelle qui électrise les rapports, la multiplicité des possibles ouverts à l'existence individuelle, c'est pour moi bien davantage l'antagonisme qui y règne entre en système de pentes naturellement centrifuges, qui toutes mènent le noyau urbain vers son émiettement périphérique, et, en regard, la puissante astreinte centrale qui les contrebalance, et qui maintient la cohésion de la cité.
Julien Gracq in «La forme d'une ville»